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Feuilles d'automne

Planète Terre

Vivre en paix

Du livre à la lèbe, la lecture web a sa propre logique

Samedi 16 mai 2015, 20:15 - Du Vent dans les Branches

Dans une salle de cinéma, je n'ai jamais entendu personne s'exclamer Je n'ai pas bien vu la séquence précédente, on ne pourrait pas revenir en arrière ? ou encore Vous ne pourriez pas faire pivoter l'écran en hauteur plutôt qu'en largeur ? Ou au théâtre Vous pouvez répéter ? je n'ai pas compris la réplique. Ou au concert S'il vous plaît, reprenez le mouvement précédent, c'était bien joli. Aucune interactivité et personne ne s'en plaint.

D'autre part, je ne sais pas si vous avez remarqué, pour lire un livre numérique avec des liens externes (pas un roman), il faut 2 logiciels (applications) : un mauvais, le lecteur de livre, et un bon, le navigateur. Cela ne vous étonne pas ? quand le bon logiciel suffit.

Essayons d'éclaircir le paysage numérique pour sortir un peu de la confusion.

Dans cette analyse, il y a un thème que je n'aborde pas : imprimé ou numérique, le roman c'est le roman, comme dit quelqu'un sur le web, c'est du texte au kilomètre. On oublie la littérature romanesque pour parler d'autre chose (encore que...:-), d'une forme nouvelle où peuvent se mêler des textes, des images et des sons, une forme créative comme il existe maintenant des spectacles de danse ou théâtre associés à des projections vidéos.

D'autre part, ce n'est pas parce qu'il publie numérique que l'auteur peut se passer de l'éditeur. Le webécrivain qui veut être créatif a besoin d'élargir ses compétences, seul ou avec l'aide d'autres personnes, à celles d'un producteur réalisateur, devenant ainsi son propre éditeur.

Un livre est un ensemble de pages imprimées et reliées, avec une mise en page fixée par l'éditeur. De la même façon qu'au cinéma le film défile image par image comme en a décidé le réalisateur (parfois le producteur qui modifie le découpage). Au concert, au théâtre, au cinéma, ce n'est pas l'auditeur ou le spectateur qui décide de la façon de jouer la musique, la pièce de théâtre ou le film. Ce sont les musiciens, les acteurs, le chef d'orchestre, le metteur en scène, le réalisateur... Au-delà de la possibilité pour le lecteur de diminuer ou augmenter la taille du texte, pourquoi le fabricant de tablette aurait tous les droits sur la forme du livre, au non d'une idée de l'interactivité ? Uniquement parce que la technique le permet ? Au contraire, c'est l'auteur qui a tous les droits sur sa création.

On peut imaginer un livre numérique qui défilerait automatiquement, à la façon d'un diaporama. Par exemple un texte, puis une vidéo, puis un autre texte, une musique, un texte, une image, etc... Le lecteur lirait le livre comme il regarde un film, voit une pièce de théâtre, écoute un concert. Seule la vitesse de défilement pourrait être modifiée par l'utilisateur selon ses besoins.

On ne lit pas sur écran comme on lit un livre imprimé. Actuellement, le livre numérique étant lu sur des écrans de formats et de résolutions très différents, avec des logiciels de lecture qui modifient la mise en page de l'éditeur, le lecteur, la lectrice n'ont qu'une lointaine idée de ce qu'a voulu l'auteur et sont contraints à une lecture acrobatique, parfois complètement délirante. Pourtant la plupart des gens n'en demandent pas tant. Pour chaque "livre" de l'auteur, il y a autant de livres numériques que de machines. Autant dire qu'il n'y en a pas. Le livre numérique n'existe pas. Il y a juste des machins mal fagotés en imitation du livre imprimé. C'est le règne (pour le moment) de l'incohérence.

Quand on parle de livre enrichi c'est absurde : est-ce qu'un film est du théâtre enrichi ? L'appellation livre numérique augmente la confusion de notre époque. En réalité, cet objet est aussi différent du livre imprimé que le cinéma du théâtre. Ce qu'on appelle à tort un livre numérique est un site web ordonné selon un ou plusieurs itinéraires de lecture. La preuve en est que le codage du livre numérique est le même que celui d'un site web, avec des pertes de fonctionnalités. On a juste ajouté le codage de reliure pour passer d'une page à l'autre. Ainsi, a-t-on obtenu un livre enrichi ? Pas du tout ! Le résultat c'est un site web dégradé.

Si on oubliait quelques instants que le livre imprimé est La référence, que pourrait devenir la création littéraire quand elle passe sur écran numérique ? Quelles sont les nouvelles possibilités offertes aux auteurs, aux lecteurs ? Parce qu'au bout du compte, on continue de lire, même si ce n'est pas de la même façon. Cette nouvelle manière de lire pourrait être une lecture web, différente de l'écriweb (article de site, billet de blog). Cette lecture web peut se lire tout simplement avec un navigateur (Firefox, Chrome, Safari...). Dès lors, avec une lecture verticale en faisant glisser le texte (ascenseur), la mise en page du texte et des images est respectée. Le texte n'est plus découpé artificiellement par la pagination (nécessité pour le livre imprimé, absurdité pour le livre numérique) : il se lit en continu, par chapitre ou groupe de chapitres, en cohérence avec le projet de l'auteur.

Lèbe De l'autre coté du monde, Jacques Bouchut

De l'autre côté du monde, Jacques Bouchut - Livre numérique au format lèbe

Lèbes gratuites sur TAMBAO.

Une lèbe, contraction de lecture web, est un objet virtuel de type site web, dans lequel on aura privilégié un ou plusieurs chemins de lecture. On pourrait l'appeler une legweb (du latin legere ou du grec legein) ou legouèbe. Mais je préfère l'appellation plus simple une lèbe. Un livre, une lèbe. Un lecteur, une lectrice, un lèbeur, une lèbrice. Ne faites pas la grimace : tous les mots nouveaux semblent bizarres, inappropriés. Au début. Regardez : ordinateur, c'est un mot complètement idiot, mobile, portable, blog (web log devenu blog par contraction), c'est ridicule, mais on a fini par s'habituer, parce qu'il faut bien désigner les choses nouvelles par des mots nouveaux pour sortir de la confusion.

La lecture web offre la possibilité de plusieurs chemins de lecture par l'intermédiaire de liens, qu'on navigue dans la lèbe ou à l'extérieur sur le web. Ainsi, une histoire peut se raconter de plusieurs façons différentes. Grâce à la circulation par les liens externes, la création de l'auteur s'enrichit des créations d'autres auteurs. Le livre a gagné un niveau de complexité en devenant une lèbe. Et le lèbeur, la lèbrice s'y retrouvent car ils sont familiarisés avec la navigation sur Internet. La lecture d'une lèbe est beaucoup plus fluide que celle d'un livre numérique : quand, pour le livre numérique, cliquant sur un lien externe, on passe du logiciel de lecture du livre au navigateur et retour, lisant votre lèbe vous êtes déjà sur Internet avec votre navigateur. Les allers-retours sont simples et immédiats.

Il faut 2 logiciels pour lire un livre numérique. Un seul suffit pour la lèbe : vous êtes et vous restez sur Internet.

Dès lors, cette nouvelle forme de livre est cohérente, pour l'auteur et pour le lecteur. Dès lors, le livre imprimé peut continuer de vivre sa vie (comme le théâtre), quand la lèbe peut vivre la sienne (comme le cinéma). Musique, théâtre, cinéma, livre, site web et blog, lèbe. Chaque domaine artistique, chaque forme d'expression a sa propre logique.

Compléments sur Feuilles d'automne

Ce billet a été légèrement modifié le 30 juin 2015.

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