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Vivre en paix

En protection contre les loups, ces chiens qui font peur aux promeneurs

Vendredi 14 février 2020 - Paysages colorés

Photos : Jacques Bouchut

Balade dans la nature avec son chien

Le promeneur insouciant, la promeneuse, qui avaient l’habitude de faire un tour dans la nature, de marcher pour se détendre au grand air, découvrent tout soudain que leur paradis terrestre est devenu un enfer. Dès que vous vous baladez à proximité de pâturages, à tout moment peut surgir un molosse, l’air féroce, qui vous aboie dessus, avec la ferme intention d’en finir avec vous (c’est du moins ce que vous croyez).

Quand on n’a pas l’habitude de côtoyer ces chiens de protection des troupeaux contre les loups, il y a de quoi paniquer. Ce qui, évidemment, est le pire des comportements, face à un chien de travail qui fait son boulot et ne comprend pas pourquoi, au lieu de passer tranquillement votre chemin, vous vous agitez furieusement (c’est ce qu’il croit, si vous gesticulez, si vous courez, si vous criez). Si un chien vient vers vous, arrêtez-vous face à lui, restez calme, attendez qu'il ait fait connaissance et compris qu'il n'y avait pas de danger pour son troupeau (voir vidéo en fin d'article).

Mais la promeneuse et le promeneur, brutalement surpris, une fois passé le stress, déversent leur colère sur l’éleveur : si maintenant on ne peut plus se promener tranquille dans la nature !

Eh bien oui, on ne peut plus se promener tranquille dans la campagne. Non pas à cause de l’éleveur, mais à cause des loups. L’éleveur n’a pas choisi de devenir éleveur de chiens de protection. Il n’utilise pas ces chiens pour embêter les gens qui se baladent, mais pour défendre ses bêtes élevées en plein air. Tous les éleveurs ne sont pas écolos, mais nombre d’entre eux, les jeunes en particulier, ont le souci de la vie de leurs animaux et sont attentifs à leur environnement.

Brebis et agneaux

Brebis et agneaux dans l’un des parcs de l’éleveur

Il faut savoir que le troupeau ne passe pas l’année en estive, mais seulement l’été. Le reste de l’année, le troupeau est divisé et réparti en autant de parcs mobiles autour de la ferme et plus loin, parfois beaucoup plus loin. Tout au long de l’année, hors période d’estive, les pâturages sont divisés en parcelles (de 3 à 10 selon la pousse de l’herbe). L’éleveur passe son temps à trimbaler des kilomètres de clôtures électriques pour déplacer ses différents troupeaux d’un pâturage à l’autre.

Or il faut 2 à 3 chiens de protection pour un troupeau dans une parcelle de 25 ha maxi. Pour un troupeau réparti sur 4 parcelles, il faut 8 à 12 chiens sur le terrain, plus les autres (jeunes chiens, chiens blessés, chiennes en chaleur, chiens de berger). À ce rythme on est vite à une vingtaine de chiens !

Cão de Gado (Portugais) au milieu du troupeau

Cão de Gado (Portugais) en position de gardien au milieu du troupeau

En 30 ans, le temps que les loups se dispersent du Mercantour aux Alpes, au Jura et aux Vosges, ainsi qu’au Massif central, les éleveurs se sont équipés de chiens de protection : les gardiens dans les différents parcs, au milieu du troupeau, les aboyeurs en périphérie et les patrouilleurs qui rôdent aux alentours, parfois assez loin, pour surveiller les mouvements suspects et anticiper les attaques. Il faut savoir que les chiens de protection qui sont sur les dents la nuit, dorment le jour. Ils se réveillent à la moindre alerte. Ces chiens de protection (Berger des Pyrénées, Berger d’Anatolie, Portugais) s’ajoutent aux chiens de berger, chargés des mouvements des troupeaux (Border Collie, Crau, Beauceron).

Berger d'Anatolie à l'écart du troupeau

Berger d’Anatolie en position d’aboyeur à l’écart du troupeau

Ainsi quand vous passez même assez loin d’un troupeau, vous pouvez toujours rencontrer un chien de protection. Ce n’est pas un chien errant, il surveille son environnement. Quand il entend du bruit, il vient voir ce qui se passe. Une fois rassuré (pour son troupeau), après quelques aboiements, il vous laissera continuer tranquillement votre balade. L’important, c’est de ne pas surprendre le chien, qui pourrait penser que le troupeau est en danger. Il vaut mieux signaler pacifiquement sa présence et rassurer le chien en lui parlant calmement.

Avant l’arrivée du loup, un chien de berger suffisait pour déplacer le troupeau. À présent, s’ajoutent les chiens de protection. L’éleveur peut avoir besoin de 15 à 20 chiens, qui ont besoin d’eau et de nourriture dans les différents parcs, qu’il faut élever, éduquer, surveiller, soigner quand ils sont blessés. Bref, l’éleveur de moutons est devenu, malgré lui, éleveur de chiens de protection, qu’il gère, sous sa responsabilité, comme il peut. Et tout cela, en plus de son métier d’éleveur de moutons et de chèvres.

Pendant que des écolos "repensent notre rapport à la nature" et dorment tranquilles, bien au chaud dans leur rêve de paradis terrestre, les éleveurs tentent de résoudre les nouveaux problèmes de la campagne, jour et nuit. Pas de souci, quand ils auront "refondé le métier", les éleveurs finiront bien, ceux qui restent, par protéger intégralement leurs troupeaux. Et quand les loups, en meutes devenues plus nombreuses, auront décimé le gibier, cerfs, biches, sangliers, lapins, il suffira de nourrir les loups avec les surplus des supermarchés. On nourrit bien les vautours toute l’année et les oiseaux l’hiver. "Équilibres naturels" obligent.

En 30 ans, pour un rêve écolo de retour en arrière dans une redécouverte du "sauvage", comme si le monde n’avait pas changé, on a créé un problème de plus, qui crée d’autres problèmes en chaîne, au fur et à mesure des solutions mises en place comme autant de patches sur un programme foireux. Pendant ce temps, les vrais problèmes de biodiversité et de vie sur Terre, sont jetés à la mer avec nos détritus plastiques et radioactifs. Pendant ce temps… ce temps qui commence à manquer terriblement pour commencer à être intelligents, à s’intéresser aux autres, à venir en aide, à construire un monde vivable pour tous, êtres humains, animaux, plantes, dans un environnement de nature à nettoyer de la pollution et de l’excès de béton. Une nature à protéger, comme le grand jardin qu’elle est devenue quand elle n’est pas un grand parc de loisirs.

Mais cela, c’est moins simple que de rêver de nature sauvage, avec des loups, mais sans chien au bout du chemin.

Comment se comporter en présence d'un chien de protection de troupeau

Vidéo avec les conseils de Jean Marc Landry : CLIP 1 - Chiens de protection : adoptez les bons gestes

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