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Feuilles d'automne

Planète Terre

Vivre en paix

C'est écrit dans un livre

Dimanche 21 juillet 2013, 17:01 - Parcs et Jardins

Ils sont entrés dans une librairie.

Vous savez s'ils se sont parlé, ce qu'ils se sont dit en marchant dans les rues ?

Là tout de suite, ils ne se parlent pas. Ils consultent des livres dans des rayons différents. Ils suivent leur inspiration. Chacun suit un chemin différent selon ses préférences. On croit faire la même chose. Eh bien non. On croit, ça oui. On ne fait que ça croire et croire et croire. Et après on s'étonne. On est déçu, déçue, déçus et on s'étonne. Incroyable. On s'étonne que la réalité ne corresponde pas à la fiction que l'on a dans la tête (où pourrait-on l'avoir ailleurs que dans la tête ?). Voilà : on croit. Incroyable.

Mais on lit aussi. On lit au lit. Par exemple. Mais pas dans une librairie. Dans une librairie on choisit. On feuillette, on papillonne, on s'informe, on se fait une idée.

Elle, par exemple, elle prend un livre, regarde la couverture, jette un coup d'oeil au dos du livre, le retourne et l'ouvre, tourne les premières pages, lit quelques lignes du début (c'est la septième page ou la neuvième, parfois la onzième). Elle saute un peu plus loin (le livre à la main, elle reste immobile), encore plus loin, lira-t-elle la fin ? c'est délicat, elle hésite, oui elle lit, repose le livre.

Voilà le fait, elle lit la fin et repose le livre. Si elle l'avait choisi, elle n'aurait pas jeté un coup d'oeil pour avoir une idée de la fin du roman. On ne peut pas savoir. La fin. Elle n'a pas besoin de savoir à l'avance. Elle veut vivre. Chaque chose en son temps. Aucune surprise dans la plupart des romans : évidemment, comme ça commence, comment voulez-vous que ça finisse autrement ? L'histoire change. C'est toujours la même histoire : malheur, échec et désespérance.

Finalement ils ne choisissent rien. Peut-être, sans le savoir, avaient-ils décidé dès le début qu'ils ne choisiraient rien. Peut-être s'attendaient-ils à un miracle ? Survient une bonne surprise et vous n'avez pas besoin de choisir. La chose, le livre, la rencontre, se présente à vous et vous l'acceptez, vous êtes délicieusement choisi, délicieusement choisie. Vous dites oui, c'est tout, sans avoir besoin de le penser, de l'exprimer avec des mots, c'est dit. C'est tout votre corps qui exprime cet accord. Et c'est visible. C'est lisible.

Bien_ficelé 1, dessin Jacques Bouchut

Elle s'approche de lui, lui indique un passage du livre ouvert dans ses mains. Il abandonne sa lecture, se penche vers elle. Il lit le livre ouvert pour deux. Il sourit. Elle aussi. Leurs visages s'épanouissent en même temps. Elle ne lit plus en même temps que lui. Elle le regarde. Il a fini de lire, la regarde. Ils se regardent. Elle a fermé le livre. Chacun tient un livre fermé dans la main.

Ni l'un ni l'autre ne sont plus dans cette librairie.

Où sont-ils donc à présent ?

Et que font-ils ?

Que se disent-ils ?

L'espace de quelques instants, ils se touchent d'un long regard silencieux, immobile.


Dessin Jacques Bouchut : Bien ficelé 1 - décembre 1983.

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