Annecy 1914, l'année du cinéma
Par Blousie le samedi 3 mai 2014
Eboulis nuit, fréquence phare, bonsoir.
Bonne arrivée, chers noctamboulis et très chères qui nous rejoignez. Prenez place, la projection va commencer et ce n'est pas la dernière séance.
Comme vous le savez, le Palace cinéma, première salle de cinéma d'Annecy, a ouvert ses portes le 15 novembre 1913. En 2014, la ville d'Annecy fête ainsi 100 ans de cinéma. Siboule, c'est de la folie, comme vous dites, alors, quelle est l'ambiance au Bonlieu en ce moment ?
- Ah Blousie, ici c'est... c'est extraordinaire ! je suis sur l'Ile des cygnes en compagnie d'un charmant jeune homme : Jean Laubé, quelles sont vos sentiments ce soir, à quelques minutes de l'inauguration de votre Palace ?
- Trop de monde. Beaucoup de monde. Il n'y aura pas de place pour tous.
- Pourtant c'est grandiose, vous avez construit une salle immense.
- Ah ça oui. Beaucoup plus grande que le jardin de mon café cinéma à Chambéry.
- Vous avez créé l'Eden cinéma en 1906. Maintenant, vous venez à Annecy.
- Oui, pour satisfaire la curiosité et l'enthousiasme des gens. Je leur ai construit un temple du cinéma où ils seront à l'abri de la pluie. Ils pourront rêver sans être dérangés.
- Mais c'est fantastique ! Et qu'allez-vous offrir aux Annéciens cette année, Jean Laubé ?
- Du cinéma des familles, ma chère Siboule, Max, Fantômas...
- Vous avez entendu, Blousie, il a dit ma chère Siboule, quel bel homme.
Nous avons entendu, Siboule. En barque ou en pédalo, pensez à revenir à notre époque.
Alors que Méliès fait faillite en 1914, Léon Gaumont, Charles Pathé et Eclair développent l'industrie du cinéma, l'industrie du rêve. C'est la fin du cinéma artisanal et du théâtre filmé. Le cinéma de forains disparaît petit à petit, au profit des salles de cinéma permanent. Depuis 1906 les Américains ouvrent des centaines de salles de cinéma dans les grandes villes, à la suite du Nikelodeon de Pittsburgh (96 chaises). En 1911, le Gaumont Palace à Paris est la plus grande salle de cinéma du monde (3 400 places). A Lyon, le nombre de salles est passé de 5 en 1905 à 39 en 1914, pour un total d'environ 15 000 places. A Marseille, on est passé de 4 en 1909 à 32 salles en 1914.
Les films évoluent du court au long métrage, qui s'impose à partir de 1913. Le cinéma mondial est encore français, avant que la grosse machine américaine finisse par l'emporter, dès 1915.
En 1914, on projette Le prisonnier de Zenda, d'Edwin Stratton Porter, film de cap et d'épées sorti en 1913. On va voir les films de Maurice Tourneur : Le mystère de la chambre jaune, sorti en 1913, et Monsieur Lecoq, un policier avec Harry Baur, sorti en 1914. Fantômas contre Fantômas terrorise Paris et la Province. C'est un film de Louis Feuillade (59 mn) avec Georges Melchior (le journaliste Fandor) et René Navarre (Fantômas). Le premier Fantômas est sorti l'année précédente.
Fantômas, À l'ombre de la guillotine, de Louis Feuillade (1913)
En 1914, The Virginian (50 mn) et The Squaw Man (le mari de l'indienne) de Cecil B DeMille, westerns avec Dustin Farnum. The Spoilers (Les forbans), western de Colin Campbell avec William Farnum. Et puis et puis, l'incroyable péplum Cabiria de Giovanni Pastrone (180 mn).
Voilà, c'était notre commémoration de 1914. Merci chers noctamboulis de nous avoir suivis jusqu'au fond de la nuit. Je vous laisse en compagnie de Max Linder et Harold Lloyd. Il faudra encore attendre Buster Keaton et plus encore Laurel et Hardy. Dormez tranquille, Robert Wiene, Fritz Lang et Friedrich Wilhelm Murnau n'ont pas encore tourné Le cabinet du Docteur Caligari, Le docteur Mabuse, Nosferatu le vampire.
Ceux et celles qui souhaitent prolonger leur rêverie pourront lire avec profit l'excellent livre publié aux éditions TAMBAO : Un autre livre. Dans l'une des 3 histoires, Jacques Bouchut met en scène un personnage qui évoque l'itinéraire de son arrière-grand-père Jean Laubé, l'un des premiers exploitants de cinéma.
Eboulis pour la nuit, faites de beaux rêves.
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